Comment faire un méchant non stéréotypé?

La Bateille de Cesme, Ivan Aïvazovsky
La Bateille de Cesme, Ivan Aïvazovsky

Commencez donc par remplir ce questionnaire :

http://www.catnip4writers.com/tools/cliche_villain.htm

Ensuite, lisez ces check-lists:

http://www.eviloverlord.com/lists/overlord.html

http://www.eviloverlord.com/lists/dungeon_a.html

Traditionnellement, la plupart des personnages de méchants reposent sur la peur qu’ils inspirent. Il y a aussi l’ambiance, les méchants secondaires, les effets de style… On ne s’interroge pas trop sur les motivation : pourquoi Sauron est-il méchant (à ce propos, essayez de lire une vision alternative dans "The last Ringbearer" http://en.wikipedia.org/wiki/The_Last_Ringbearer )?

Et plus généralement, pourquoi un méchant est-il méchant ? Ça en appelle aux notions de bien et de mal et vous emmène très loin ! On pourrait parler d’antagoniste, mais en fantasy, on aime bien que l’antagoniste soit vraiment pourri. Si on imagine la concurrence entre deux entreprises, par exemple, avec l’une appartenant au héros, il est impensable que son concurrent soit simplement un type ordinaire tentant de gagner sa vie : non, il faut qu’il triche, au minimum, et qu’il soit affligé de traits de caractère qui le rendent totalement antipathique.

Attention : « méchant » ici, c’est une valeur MORALE. Cela ne préjuge pas du caractère. Un personnage égoïste ne fera pas forcément un méchant d’envergure. Idem pour un personnage mégalo qui peut être gentil ou méchant suivant son humeur et l’image qu’il veut donner.

Pour commencer, quelques solutions de facilité :

1- Cas le plus simple : votre méchant est un démon, un zombie et en général, un personnage surnaturel. Vous n’avez pas besoin d’expliquer pourquoi il est méchant : il l’est par définition.

2- Votre méchant est fou : un autre cliché qui a bon dos. En ce début de 21ème siècle, la folie se divise malheureusement en catégories précises. Encore une fois, il va falloir se documenter. Et non, la paranoïa ne peut pas être traitée à toutes les sauces… Idem pour les tueurs en série.

3- Dans le prolongement de cette idée, votre méchant est sexuellement obsédé par les enfants : vous aurez une réaction viscérale de la part de votre lecteur, sans problème. Seulement, il va falloir expliquer pourquoi cette obsession. Et là, bonjour les manuels de psy et de criminologie. De plus, si la seule tare du personnage est la pédophilie, il ne fera pas un méchant d'envergure: il apparaîtra plutôt comme un minable qui ne s'attaque qu'à plus faible que soi.

4- Dans le même style, votre méchant est obsédé par le sexe (une tare dont sont souvent affligés les méchants féminins façon « femme fatale » et les méchants de fantasy US).Désolé, le sexe n’est plus une valeur morale, mais un trait de caractère de nos jours. Ça ne suffira pas à le rendre méchant. De plus, il va falloir expliquer le pourquoi de cette obsession. Sans compter que tous vos lecteurs ne vont pas vous suivre. Vous pouvez essayer les gouts sexuels « bizarres », mais attentions aux stéréotypes qui risquent plomber votre histoire et la rendre démodée dans une vingtaine d’années. Par contre, si c’est votre héros qui a des gouts sexuels bizarres, votre texte sortira certainement de l’ordinaire !

Pour les autres cas, il faut sortir une explication valable. Les stéréotypes (chinois pervers, agent du KGB etc…) ayant disparu, il va falloir vraiment faire preuve d’un minimum de psychologie.

Je ne suis pas en train de dire que les humains sont naturellement bons. Je ne suis pas Rousseau. Ce que je veux dire, c’est que pour avoir l’envergure d’un méchant de fantasy, il faut déployer énormément d’énergie. C’est fatiguant de devenir maître du monde ! Ça demande de la motivation !

Alors quelques idées à développer :

1- Vous ne savez rien faire d’autre, parce que quelqu’un (peut-être vos parents) vous a répété depuis votre plus tendre enfance que votre avenir, c’est maître de l’univers, sinon rien. Il ne vous viendrait pas à l’esprit de remettre en question ce principe, même si vos gouts personnels vous pousseraient plutôt à vous installer devant un bon feuilleton TV.

2- Vous êtes au fond un minable/un trouillard/un chefaillon frustré, jaloux du succès des autres. Jusqu’ici, seul le bras armé de la loi vous a empêché de donner libre cours à vos frustrations, mais soudain, vous vous retrouvez en position de pouvoir : ah, on va voir ce qu’on va voir !

3-Vous vivez dans un monde ou les notions de bien et de mal n’existent simplement pas. Pire, c’est la loi du plus fort. Peut-être préféreriez-vous vraiment regarder la TV et en êtes-vous parfaitement conscient, mais vous avez envie de survivre le plus longtemps possible. Remarque : nombre de gentils de fantasy tombent également dans cette catégorie.

4-Vous n’êtes pas conscient d’être méchant : la créature pitoyable que vous venez de tabasser/violer/tuer/voler n’est pas pour vous, un être humain : c’est un esclave, un étranger, un sans-grade, bref, un « autre ».

5- Vous êtez convaincu d’œuvrer pour le bien de l’humanité. Pour lui faire atteindre le bonheur suprême, il faut juste que vous la débarrassiez d’une poignée d’individus déviants qui répandent des idées subversives.

6- Dans votre enfance, vous avez été victime d’un trauma, de mauvaise éducation ou d’un handicap. Vous surcompensez vos insécurités en devenant le plus fort. Vous aimez les frappes préventives. Vous éliminez toute personne pouvant éventuellement devenir une menace, en pratique, tout le monde. Dominer les autres vous donne un sentiment de revanche. Très à la mode dans la littérature populaire US, ça rend le méchant presque sympathique, mais attention à la psychologie à 2 sous…

7- Vous avez été gentil, mais vous avez commis une faute et avez été déchu. Vous en voulez au monde entier et vous êtes destroy et suicidaire.

8- Vous êtes un individu terriblement égoïste. Quelque part, dans votre enfance, on a omis de vous enseigner l'empathie. Peut-être étiez-vous chouchouté à l'extrême et ne vous a-t-on jamais demandé de vous soucier des autres, de rendre service, d'avoir des devoirs envers votre communauté/famille. Du coup, éliminer vos adversaires vous semble la chose la plus naturelle du monde.

9- Les autres, tous les autres vous terrifient. Vous avez appris à vous en méfier depuis votre plus tendre enfance. Peut-être étiez-vous constamment victime d'enfants ou d'adultes plus forts. Mais une fois adulte, vous savez: les autres doivent être éliminés ou gardés sous un contrôle étroit. Vous vivez dans un château truffé de pièges ou une villa avec des caméras de surveillance partout. Peut-être pouvez-vous accorder votre confiance à un animal, voire à la rigueur à un petit enfant, mais jamais à un humain adulte.

10- Vous êtes totalement obsédé par l'objet d'une quête personnelle. Tout ce qui se trouve entre vous et votre objectif doit être éliminé au plus vite, même s'il s'agit de milliers d'individus. Peut-être même, vous êtes-vous fabriqué une justification morale pour ça, genre vos expérimentations mortelles vont aboutir à un vaccin révolutionnaire, mais le plus souvent, vous êtes tellement obsédé par votre but que vous vous en fichez. Remarque: vous êtes peut-être le héros de l'histoire!

11-Dernière catégorie peu représentée, mais que moi j’aime bien parce que l’un de mes persos tombe pile poil dedans : le vrai faux gentil : il est copain (ou parent) avec le héros ou alors sous sa protection et il ne lui amène que des problèmes en dépit de son plein gré, à tel point qu’on finit par se demander s’il ne le fait pas un petit peu exprès. Ça s’appelle un « passif agressif ». Il gaffe, révèle des secrets, laisse tomber le talisman marqué « fragile », est désespérément naif… C’est souvent un personnage féminin.

Enfin, paradoxalement en fantasy, il y a peu de traitres. Je parle de gens qui changent d’avis ou de camp réellement au cours de l’histoire. Par contre, vous pouvez avoir un gars déjà étiqueté « méchant » au début, dans le camp du gentil et qui va aller prêter allégeance au superméchant, mais en général, on s’en doute dès sont introduction.

Vous pouvez bien sur, mélanger ces caractéristiques, voire même rajouter quelques traits de personnalité attachants, comme par exemple :

- Vous êtes un dictateur impitoyable, mais vous adorez les animaux. Un chien malade vous émeut jusqu’aux larmes.

- Vous êtes un seigneur de la guerre façon Attila, mais vous avez un faible pour la musique classique : un violoniste a ainsi réussi à négocier la survie de son village après avoir joué un morceau sublime.

Par contre, le salaud qui tombe réellement amoureux de la copine du héros, il va falloir rendre ça crédible…

Dernière remarque : Pensez au niveau d’instruction et d’intelligence de votre méchant. Attention, ce n’est pas la même chose. Puisque j’en suis à ce point, attention également à avoir des méchants et des gentils d’intelligence voisine si votre intrigue repose essentiellement sur les actions des personnages : c’est horripilant de voir un gentil bébête, sauvé in-extrémis par un coup de bol façon deux ex machina. Si, si de nos jours, ça arrive encore. Surtout aux héroïnes.

Bref, mettez-vous à la place de votre méchant. Vraiment. Pire, essayez de réécrire les chapitres essentiels de son point de vue pour voir si ça tient la route. N'oubliez pas non plus que les méchants assument rarement leur méchanceté. À les entendre, ils sont gentils, ou de grands incompris quand ils ne sont pas des victimes.

Enfin, quelques idées sur ces sites :

http://fantasy-faction.com/2011/seven-tips-on-fantasy-villains

http://www.elfwood.com/farp/thewriting/ihynnbad/ihynnbad.html

 

 

Vous pouvez trouver d'autres idées dans cet article du blog:

https://www.romansdefantasy.com/2017/09/21/les-méchants-de-fantasy-et-de-littérature-populaire/


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