Les Clichés cachés, première partie

Certains clichés ne sont pas perçus comme tels par les auteurs et les lecteurs, mais le sont tout autant que les autres. De plus, en vous sentant obligé de les appliquer, vous privez votre histoire de développements intéressants. Personnellement, ils m'horripilent. Alors, j'en ai compilé toute une liste!

 

Les femmes

Je passe les clichés sur les femmes faussement fortes ou faussement intelligentes et toujours féminines. J’ai lu le blog d’une auteure US qui expliquait qu’une femme, même une guerrière au cœur du combat allait se préoccuper de son apparence. Ma grand-mère courant sous les bombardements de la Seconde Guerre Mondiale aurait bien rigolé.

Une chose qui échappe aux auteurs de romans est la force relative entre hommes et femmes : les femmes de fantasy sont beaucoup trop faibles physiquement et surtout se comportent comme telles. Passe qu’une princesse ne puisse rien soulever de plus lourd qu’un éventail. Mais sa servante ? Celle qui lui monte tous les soirs l’eau chaude de son bain dans son donjon ? Vous savez combien ça pèse deux seaux en bois de dix litres chacun ? Vous pourriez les monter d’un trait au quatrième étage à la fin de votre journée de travail ?

Dans la vraie vie, vous avez des femmes qui font quelques kilomètres tous les jours avec l’équivalent de ces seaux. Les paysannes pouvaient, suivant le pays, tirer une charrue, porter des sacs de grain, bêcher un champ entier à la houe, voire faire tout ça alors qu'elles étaient enceintes. Je ne parle même pas de celles qui travaillaient dans les mines au début du 19ème. Bref, la réaction d’une héroïne peut parfaitement être d’utiliser sa force, plutôt qu’attendre le prince charmant, y compris pour transporter un blessé, soulever un objet lourd, grimper, etc….

Ensuite, pensez au niveau d'entrainement de vos persos. Un employé de bureau français, adepte du canapé, n'aura ni la force, ni l'endurance d'une paysanne africaine! Dans le cas extrême des haltérophiles, pour des champions homme ou femme de poids égal, le poids soulevé record masculin est en général de 20% supérieur au poids féminin, pas dix fois supérieur!

Souvent, on voit dans les romans (et pas qu'en SFF) une femme porter 20kg de seaux d'eau, 20kg de lessive mouillée ou un gamin de 4-5 ans (à peu près 20kg), mais incapable de porter une valise du même poids. C'est le kilo de plumes et le kilo de plomb! Les premières infirmières portaient les blessés, genre Florence Nightingale, les exploratrices du 19ème siècle parcouraient le monde, les premières alpinistes genre Henriette d'Angeville escaladaient les montagnes avec des kilos de vêtements, des jupes et des corsets dont un homme n'aurait pas eu à s'encombrer. Ça ne les a pas empêché de faire leurs exploits!

Et pour le combat ? Aux dernières nouvelles, les armes anciennes étaient beaucoup moins lourdes qu'on ne le croyait (1,5kg pour une épée) donc parfaitement maniables pour une femme. Cependant, dans un combat physique, votre taille, la longueur de vos bras et de vos jambes est quand même un gros avantage. Si vous êtes petit, que vous soyez homme ou femme, vous devrez soit redoubler d’effort pour compenser ce handicap, soit utiliser des techniques de combat particulières (kung-fu et autres), soit utiliser la magie.

Dernière chose : le recours à la violence. On l’oublie souvent, mais dans nombre de sociétés traditionnelles, les femmes l’utilisaient à peine moins que les hommes. Simplement, si vous êtes minimalement intelligente, vous ne vous attaquerez pas en combat ouvert à quelqu’un de plus costaud que vous ou qui peut se livrer à des représailles physiques ou sociales (idem pour les hommes…). Donc, vous évitez de cogner votre mari ou votre belle-mère. Par contre, un enfant, un esclave ou votre belle-fille, sans problème. Les crêpages de chignon n'étaient pas rares dans les harems, ainsi que les accidents bizarres. Bref, votre héroïne n’hésitera pas une minute à frapper, griffer, mordre, poignarder, un(e) méchant(e) si elle en a la possibilité. Elle s'y mettra sérieusement et ne fera pas semblant comme dans ces films des années 50, où on la voit tapoter le méchant de coups de poings. Il peut en réchapper, mais aura vraiment mal et sera vraiment furieux, pas amusé. Inversement, il sera très conscient de ce risque et ne frappera pas non plus l'héroïne pour rigoler.

Surtout, les femmes n'avaient pas nécessairement besoin d'agresser physiquement la personne dont elles voulaient se débarrasser: comme c'étaient elles qui préparaient les repas, il leur était facile d'y glisser un poison! Pensez à tous les récits d'empoisonnement, réels ou imaginaires qui ont défrayé la chronique, dans les temps anciens. Certes, verser du cyanure dans le café du Prince Obscur, ça a moins de panache que l'affronter en combat singulier l'épée à la main, mais tuer, c'est tuer, non?

Enfin, l’héroïne est encore beaucoup trop définie par rapport à sa sexualité, ou plutôt son absence. Si, si, je l’ai encore vu dans deux romans de fantasy francophone récents dont je tairais le nom. Exemple typique : elle ne fait strictement rien de sexuel pendant toute l’histoire, vu qu’elle est occupée à combattre des monstres et autres démons, mais au début, il y a une scène où :

- soit elle repousse les avances d’un homme séduisant qu’on ne voit plus par la suite

- soit elle se retrouve en présence d'une « salope » sexy, qui drague tous les hommes, mais ne fait pas grand-chose d’autre dans l’intrigue

- soit elle est l’objet d’injures à caractère sexuel qui ne se répètent plus dans le reste de l'histoire

- soit les trois à la fois

Bref, l’auteur(e) se sent obligé(e) de montrer que c’est une femme correcte, pure, et virginale. Est-ce que ça a un impact quelconque sur le déroulement de l’histoire ? Combattrait-elle les dragons, monstres etc… si elle était une obsédée sexuelle ? Si la réponse est non, montrez-le. Au passage, ça soulève la question de ce qu’un héros masculin ferait dans la même situation. Si la réponse est oui, par pitié, enlevez ces scènes qui me font totalement sortir de l’histoire.

Pour ceux qui vont dire: « Si elle couche à gauche et à droite, elle va tomber enceinte », je réponds que dans les sociétés traditionnelles non chrétiennes il y avait des techniques de contraceptions assez efficaces et rien n'empêche d'y rajouter un peu de fantasy. Mais ce sera pour une autre fois.


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Comments: 2
  • #1

    Salyna (Wednesday, 08 May 2019 07:03)

    J'ai une petite question sur la sexualité/absence sexualité. Est ce que faire un roman/nouvelle/autres avec un personnage sans sexualité, c'est forcement la montré comme virginale ? Perso, je m'attarde pas sur la sexualité (de mes personnes masculin comme féminin) simplement parce que POUR MOI (je précise bien POUR MOI car on est dans quelque chose de très personnel), ça ne présente AUCUN (mais vraiment AUCUN à mes yeux) intérêt pour l'intrigue. Pour autant, l'idée n'est pas du tout de faire passer mes héroines pour des vierges effarouchées.
    Mais dans l'absolue, je suis d'accord avec toi sur la sexualité des héroines ... "soyons des bourrines, mais des filles "bien" on se garde pour le grand amour". Je l'ai constaté aussi plusieurs fois.

  • #2

    Alex Evans (Friday, 10 May 2019 22:56)

    Bonsoir,
    La réponse dépend de comment vous la décrivez! Je dirais que ce qui me pose problème, c'est les romans qui insistent que l'héroïne n'a pas de sexualité, par opposition à ceux qui n'en parlent simplement pas. Insister sur l'absence d'une chose, c'est aussi, quelque part, insister que cette chose pourrait être là...
    J'ai également des romans où la sexualité n'a aucune importance et alors, je n'en parle pas. Ni en positif, ni en négatif.