Une affaire de style

L'idée de cet article m'est venue du billet de blog suivant:

https://jeanfabienauteur.wordpress.com/2015/05/19/le-manuscrit-cet-obscur-objet-du-delire/

L'auteur déclare:

" Ce dont souffre, à mon sens, la majorité des livres que j’ai essayé de lire, c’est l’absence de style (quasiment l’intégralité des manuscrits sus cités en étaient totalement dépourvus) et le manque d’intérêt (défaut assez récurrent)."

"Je crois que le plus gênant est lorsque l’auteur disperse des clichés dans ses pages comme autant de preuves qu’il s’agit effectivement d’un livre (ben oui, si j’écris « la sueur froide me dégoulina dans le dos », ça fait peur, hein ? Et puis, ça fait polar, non ?). Je suis désolé cependant de dire que dès que je lis « mes poils se hérissent » ou autre poncif, j’ai juste envie de passer le manuscrit par la fenêtre. Où est l’originalité ? Où sont les mots – les vrais – de l’auteur ?"

Bon, j'avoue que n'ayant aucune formation littéraire, je ne sais pas ce qu'est le "style". D'autre part, l'"intérêt" est un truc assez subjectif. Cependant, je soupçonne que ça a à voir avec les clichés, non seulement dans le type de récit, mais aussi dans le style d'écriture. Or, étant français (par opposition aux anglosaxons), on a tendance à accorder beaucoup d'importance au style, à la forme, à vouloir montrer que l'on sait écrire, qu'on connait la grammaire dans les moindres détails etc... Et du coup, on oublie le principal quand on écrit de la littérature populaire: l'histoire.

Ou alors, vous avez écrit ce bouquin pour démontrer une idée qui vous tient à cœur: le capitalisme, c'est le Mal, l'industrie, c'est le Mal, la pollution va tuer la Planète... Vous passez de longues pages à exposer vos idées et vous oubliez le principal quand on écrit de la littérature populaire: l'histoire.

Ben oui, quand vous écrivez un roman super intellectuel de blanche, il n'y a peut-être pas d'intrigue, mais quand vous écrivez dans ce que l'on appelle la "Littérature populaire", deux choses ont de l'importance:

- votre texte doit être compréhensible et pas seulement pour quelqu'un qui a fait une thèse de lettres. Sinon, vous comptez le faire lire à qui votre bouquin?

- il doit y avoir une intrigue et pas seulement de vagues masturbations intellectuelles.

Bref, il faut raconter une histoire (originale, de préférence), de façon à ce qu'elle soit compréhensible pour le plus grand nombre. Et oui, ça rappelle le boulot d'un enseignant. Remarquez que l'idée qu'un roman de blanche puisse se passer d'intrigue est assez récente: Hugo, Balzac ou Zola et en général les auteurs d'avant les années 50, avaient des intrigues parfaitement définies.

En littérature populaire, il y a ce que j'appelle justement la façon de raconter l'histoire, d'agencer les scènes entre elles, les paragraphes entre eux, d'introduire les personnages et les idées, ce que les anglosaxons appellent le "storytelling" et le style littéraire à proprement dit, le vocabulaire, grammaire etc... Perso, je dirais que le "storytelling" est bien plus important pour le lecteur que le style d'écriture. Malheureusement, ça peut être l'inverse pour un professionnel de la littératture et du livre (dont votre éditeur), d'où un équilibre à respecter... Cela ne signifie pas que vous devez écrire n'importe comment: si votre texte est truffé de fautes, votre lecteur aura tout simplement du mal à vous comprendre et sortira du récit.

Bonne nouvelle, vous avez quand même le droit de faire des figures de style (en évitant les clichés, bien sûr). Mais il ne faut pas qu'elles occultent votre récit. De même, vous pouvez aussi exposer vos thèses politiques, économiques et autres, mais sans que votre roman ne devienne un manifeste, Le récit reste sur le devant de la scène. Lisez/relisez Franck Herbert, Harry Harrison, Philip K Dick: leurs romans exposent des idées complexes, mais l'intrigue reste toujours au premier plan.

Pourquoi l'importance du storytelling? Parce que, encore une fois, le lecteur moyen se fiche de votre style. Ce qui l'intéresse, c'est l'histoire. Vous avez tout intérêt à écrire d'abord votre récit en phrases simples (sujet, verbe, complément) et n'ajouter les figures de style que plus tard. D'ailleurs, à quoi vous serte le style dans votre récit? À introduire une certaine ambiance? À mettre en valeur un certain personnage (genre "Gagner la guerre" de Jaworski)? À montrer que vous savez écrire? Perso, mon style est des plus basiques. Par contre,cela me permet d'introduire des mots, ou des idées "compliqués" dont le lecteur peut facilement "deviner" le sens en fonction du contexte.

Au contraire, vous devez apporter beaucoup de réflexion à la façon dont va se dérouler votre récit. Pour certains types de romans, c'est capital. Dans le roman policier, par exemple, la façon et l'ordre dans lequel vous distillez les informations a beaucoup d'importance. Mais même dans d'autres genres, cela peut transformer une histoire totalement plate en un récit plein de rebondissements.

Un petit truc: dans la plupart des romans de fantasy anglo-saxons, dès le premier chapitre, on sait qui est le héros, son antagoniste et quel sera l'objet de la quête. Bien sur, on peut sortir des surprises de son chapeau par la suite: le méchant peut en cacher un autre et le héros s'est trompé de quête, Cependant, si le premier chapitre de votre roman, c'est simplement votre héros en train de faire ses courses au supermarché, je ne suis pas sure que le lecteur aura envie de connaître la suite!

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