Spécial Halloween: fantômes et autres revenants

« Est-ce que je crois aux fantômes ? Non, mais j'en ai peur ! »

                                                                       Madame de Deffand

 

Voilà un vaste sujet que je ne vais faire qu’effleurer. Je le trouve délicat à traiter, car il implique une vie après la mort et la notion de vie après la mort implique une religion, donc un sujet beaucoup pus vaste que la « simple » magie.

 

Les humains ont cru très tôt en une vie après la mort avec des rites funéraires dès l’âge de pierre. C’est ainsi qu’ils ont développé la notion que si chaque individu possède un corps qui meurt et pourrit, il possède aussi une (ou plusieurs) âme(s) qui lui survivent. La croyance que les morts peuvent intervenir dans la vie des vivants fut à la base du culte des ancêtres. Ces derniers pouvaient s’exprimer sous forme d’oracle, de signes, apparaître en vision, en rêve, ou sous forme d’animal. Ils vous donnaient des conseils, servaient d’intermédiaires entre les hommes et les divinités pour faire tomber de la pluie, protéger les récoles, éviter les épidémies etc… Bref, ils étaient plutôt sympa (pensez au « Mulan » de Walt Disney). De plus, ils se manifestaient à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. Alors comment est-on passé de l’ancêtre bienveillant à la créature terrifiante ?

 

D’abord, les bienveillants ancêtres pouvaient s’énerver parce que vous les aviez contrariés et vous envoyer une malédiction gratinée. Il fallait alors les apaiser avec moult offrandes. Ensuite, dans beaucoup de cultures, on fit rapidement la distinction entre les « bons » morts, les ancêtres qui restaient à leur place (l’Au-Delà) et n’en sortaient qu’en des occasions précises et les « mauvais » morts qui se baladaient parmi les vivants et leur causaient des problèmes. L’une des façons de distinguer entre les deux, fut d’examiner les circonstances du décès. Par exemple, quelqu’un que vous aviez trucidé avait de bonnes raisons de revenir vous hanter avec vos complices et vos descendants, plutôt que d’aller couler des jours heureux dans l’Au-Delà. Ce sont par exemple, les fantômes vengeurs qu’on retrouve dans le folklore japonais. L’idée s’est étendue à tous les gens qui sont morts dans une situation perçue comme « anormale ». Par exemple, en Europe de l’Est, les jeunes filles qui se suicidaient par dépit amoureux ou pour ne pas épouser l’homme choisi par leur père devenaient des esprits qui tourmentaient les hommes.

La « mauvaise » mort pouvait aussi prendre une dimension morale : vous étiez un tel criminel, de votre vivant que vous ne pouviez simplement pas être admis dans l’Au-Delà. Bien sûr, vous alliez continuer vos méfaits à l’état de fantôme. Si le fantôme n’avait pas eu une mauvaise mort, il pouvait souffrir d’avoir eu un enterrement inapproprié, ne respectant pas les rites et donc ne lui permettant pas de rejoindre l’Au-Delà. 

 

Par extension, on finit par considérer que tout individu décédé dans des circonstances inhabituelles était candidat à devenir un fantôme. Or, la liste en était longue : les morts « imprévues » type accident vasculaire cérébral ou intoxication. Dans de nombreuses cultures, la mort par noyade était perçue comme anormale et liée à un esprit vengeur. Décéder lors de certains jours de l’année ou après avoir vu un mauvais présage était également considéré comme suspect.

 

Vous noterez que même dans la mort, il ne faisait pas bon de s’écarter des normes sociales en vigueur ! Si vous ajoutez à cela que les femmes mortes en couches ou celles mortes sans enfants étaient aussi de bonnes candidates à l'état de spectre, sans compter celles qui décédaient victimes de violences, vous réaliserez que les fantômes étaient le plus souvent de sexe féminin. Ah, les bonnes femmes! Toutes des emmerdeuses, dans la vie comme dans la mort!

 

Quoi, vous ne pensiez pas qu'il y avait autant de considérations sociales chez les spectres? Détrompez-vous!

 

Un étranger, un vagabond, un inconnu qui trépassait dans votre village? Sûr qu'il allait revenir vous hanter. Il fallait l'enterrer le plus loin possible dans la forêt! Parfois le défunt était un sorcier malfaisant qui par sa magie pouvait échapper à l'entrée dans l'Au-Delà et continuer ses méfaits sur terre. 

 

Parfois, les fantômes étaient plus démocratiques: dans certaines cultures, on considérait qu'avant de rejoindre l'Au-Delà, votre âme devait passer une période de purification en ce monde (typiquement entre 40j et quelques années). Alors tout le monde, bon ou méchant, passait par le statut de fantôme.

 

 Dernier cas de figure : le mort ne pouvait rejoindre l’Au-Delà parce que que quelqu’un, sorcier ou créature maléfique l’en empêchait et le retenait prisonnier : c’est par exemple les fameux zombies antillais.

 

Bien sur, personne ne voulait devenir un esprit errant pour l'éternité. On inventa donc toutes sortes d'amulettes et de formules magiques pour se protéger d'un tel destin, mais malgré cela, tout village finissait par avoir son lot de fantômes qui hantaient le cimetière, voire se promenaient la nuit et qu'il fallait éviter ou tenter de se concilier par des offrandes ou des prières.

 

Contrairement à ce qu'on pourrait croire, l'aspect des fantômes a énormément varié, suivant les époques et les pays. Ils pouvaient être invisibles et on ne pouvaient entendre que leur voix ou les conséquences de leurs actions, comme pour les esprits frappeurs.  Ils pouvaient être des lumières spectrales, mais aussi des lumières tout court, ou au contraire des ombres. Ils pouvaient revêtir l'aspect qu'ils avaient de leur vivant, mais aussi prendre la forme d'animaux: chats, chauve-souris... Enfin, si certains revenants n’avaient pas de forme matérielle, d’autres avaient un corps et pouvaient même être combattus (vampires) ou réduits en esclavage (zombies) ! D’ailleurs, dans nombre de folklores est apparue une confusion entre fantômes agressifs et démons divers, soit au cours des siècles, soit parce que les gens n'avaient jamais pris la peine de faire des classifications au cordeau, à l’occidentale de leurs traductions orales.

 

Et quels méfaits pouvaient commettre ces revenants: ben tout et n'importe quoi, selon les époques et les pays. Morts inexplicables, maladies, troubles psychiatriques/possessions, maladie/mort du bétail, effondrement d'une maison, chute d'un arbre, glissement de terrain, incendie... Bref, presque tous les malheurs qu'on pouvait rencontrer. Et oui, nos ancêtres voyaient des fantômes partout. Faut-il s'en étonner? la mort, la vraie, était omniprésente. 

 

L’arrivée du Christianisme aurait du faire disparaître la notion de fantôme. Tous les morts sont jugés et envoyés au Paradis ou en Enfer, nom d’une pipe ! Comment une âme pourrait-elle s’opposer à la volonté de Dieu tout-puissant ? Ben non. Et en plus, on retrouva quasiment les mêmes mécanismes à la sauce chrétienne : ceux qui avaient eu une « mauvaise » mort, comme les suicidés, ceux qui n’avaient pas été enterrés selon les rites et en terre chrétienne (c'était un problème pour les marins) et encore plus fort, ceux qui étaient morts sans avoir été baptisés (les enfants morts peu après la naissance et la majorité de la population mondiale) ou sans s'être confessé, voire, ceux qui purgeaient leur peine au Purgatoire et venait faire une petite visite de temps en temps. Ça commençait à faire beaucoup de monde !

 

Et que se passe-t-il quand il n’y a pas d’Au-Delà, car les gens croient en la réincarnation ? Ben il y a toujours des fantômes et pour les mêmes raisons : quelque chose dans leur mort ou leur enterrement les empêche de passer à une autre existence.

 

Enfin, si en Occident les fantômes sont forcément humains (car en christianisme, seuls les humains ont une âme), c’est loin d’être le cas de toutes les cultures.

 

Et Halloween ? La notion que les morts de tout type viennent visiter les vivants à une période particulière existe dans de nombreuses cultures. Si Halloween dérive de la Samain des Celtes et marque la fin des récoltes, c’est aussi le cas de la Fête des Fantômes en Chine, où la majorité de la population croit, parait-il, aux revenants. En Europe de l’Est, cette période a lieu au contraire au solstice d’été, comme dans la Pierre Noire de Robert Howard ou La Veille de la Saint-Jean de Gogol.

 

Bref, contrairement à ce qu’on pourrait croire, les fantômes suivent des règles précises fixées par les traditions. Trouve-t-on plus original dans les romans ?

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