C'Était mieux avant et autres histoires

Et la plainte revient : avant, c’était mieux, les gens étaient plus polis, moins stressés, les enfants mieux éduqués la paix et l’harmonie régnaient…

 

On se demande de quel « avant », il s’agit ? Le Moyen-âge ? Le 19ème siècle ? En poussant un peu, on arrive à cerner les années 1970, ou même le début des années 80. Je peux en parler, j’y étais. En fait, comme il s’agit de la période qui correspondait à mon enfance et une partie de mon adolescence, je devrais même en parler avec nostalgie. Mais je n’en éprouve aucune. Peut-être ne suis-je pas assez vieille, allez savoir. La perception que je vais vous décrire n’est pas celle d’une historienne ou d’une sociologue, mais d’une citoyenne lambda qui lisait les médias.

 

À part mes démêlés liés à l’intégration dans une société aux codes sociaux exotiques (éviter de parler trop bien le français dans la cour de récré, éviter de parler de ses voyages à des copines qui n’étaient jamais sorties de leur trou, prétendre apprécier les baguettes desséchées à la limite de la biscotte, Jules Vernes, la Comtesse de Ségur, le Club des Cinq, le champagne brut etc…), je me rappelle m’être surtout ennuyée. À l’école, pas de projets, pas de recherches perso, il suffisait d’ingurgiter le cours. Les petits potins et bisbilles tournaient en boucle entre enfants. C’était ça, les relations humaines. La violence dans la cour de récré était normale, ce qu’on appelle maintenant le harcèlement scolaire aussi. Certains établissements conservateurs refusaient encore les filles en pantalon, sans doute pour pouvoir ensuite se plaindre de jupes trop courtes.

 

Les divisions politiques étaient réduites à la grande division « gauche droite » le droit des femmes, des migrants, des minorités, l’écologie était de gauche, le conservatisme la religion et même pour certain l’intégration des mêmes minorités était de droite, encore que ça dépendait de votre interlocuteur. La SF était de gauche et la fantasy avec le Seigneur des Anneaux et les héros musclés, de droite. Une écologie capitaliste à l’anglosaxonne était impensable : l’écologie, par définition était de gauche. Suivant le même raisonnement, une femme féministe ne pouvait pas aspirer à devenir un patron d’entreprise du CAC40 ou entrer dans l’armée : être une patronne était capitaliste, être une militaire, impérialiste.

 

Les supermarchés poussaient comme des champignons et, à moins d’être un hippie,  faire pousser ses légumes dans son potager faisait plouc. Nombre de produits interdits de nos jours (amiante, ddt…) étaient parfaitement normaux et un symbole de la modernité. Parmi les adultes, fumer était normal (50% de la population française) et boire aussi ainsi que conduire sans ceinture sans limitation de vitesse et après un repas bien arrosé. D’ailleurs, « avoir une conduite sportive » était plutôt considéré comme une qualité chez un homme.

 

La pédophilie (je ne crois même pas avoir entendu ce mot avant mes études dans les années 80) était presque chic avec un vernis pseudo-intello/psychanalyse : qui se rappelle « La Petite » de Louis Malle, les photos de David Hamilton sur les cahiers de classe et ce roman « Diva » de Delacorta qui avait fait un tabac au point d’être adapté au cinéma ? Diva avait eu un grand succès parmi mes camarades de classe. Perso, je ne pouvais pas m’empêcher de penser que 42 ans pour un mec, (plus que l’âge de mon père à l’époque) c’était affreusement vieux pour être sexy, mais je gardai mon avis pour moi. Les immigrés débarqués de leur jungle étaient priés de ne pas toucher aux vaches sacrées. Si vous faisiez remarquer que Jane Birkin n’avait pas de voix, que Gainsbourg ne faisait que de la provoc ou que Johnny Hallyday était dans le business des tubes anglophones, on vous répondait que vous étiez inculte et trop stupide pour comprendre, un point c’est tout.

 

Il y avait aussi des terroristes, si, si ! Leur idéologie se rapprocherait peut-être plutôt de celle des Gilets Jaunes. Ce qui a changé, c’est que grâce à Internet, tout le monde peut s’improviser terroriste dans un coin et le rendement d’un attentat et bien plus élevé. Il y avait aussi plus de violence aux US et bien sûr, le meurtre de quelques noirs ne faisait pas les grands titres des journaux français.

 

À entendre certains jeunes, il y avait moins de racisme. Il parait même qu’il y avait moins de sexisme ! Ça dépend de ce que vous entendez par là. Il n’était pas nécessaire de tenir des propos racistes à répétitions, comme c’est le cas maintenant. Tout le monde savait que les anciens colonisés étaient des êtres inférieurs. Si vous étiez un progressiste vous disiez qu’ils rattraperaient les français dans quelques siècles ou millénaires. En attendant, ils étaient transparents, invisibles, comme dans « Les Bronzés » qui se passe tout de même au Sénégal. J’ai entendu des professeurs, de gauche ou de droite, dire très sérieusement que les noirs sont de grands enfants. Non, ce n’était pas du racisme ma bonne dame, c’était la constatation d’une évidence. Quant aux femmes, pourquoi voulaient-elles à tout prix travailler, alors que c’était bien plus simple de se laisser dorloter par un mari ? Encore une idée folle importée des pays anglo-saxons. Et bien sûr, il y avait des « femmes battues » et même tuées, mais tout le monde s’en fichait. Quant aux homosexuels, on n’en entendait quasiment pas parler, sauf dans des comédies style « La Cage aux Folles ». Et bien sûr, on ne précisait pas en cours de français la vien amoureuse de Verlaine, Gide ou les origines de Dumas.

 

Mais il y avait moins de conflits dans le monde, me dit-on. Sachez que si de nos jours, la grande peur est le réchauffement climatique, celle de l’époque était la Troisième Guerre Mondiale ou une catastrophe nucléaire. Les plans médicaux d’urgence actuellement utilisés pour le Covid 19 ont leur origine dans ceux qui étaient prévues en cas de bombardement massif. Car voyez-vous, en ces temps bénis, le monde était divisé entre l’occident et le communisme oubliant opportunément tout le reste.

 

Alors voyons voir : commençons par l’Europe :

- La moitié était sous la coupe soviétique et le marasme brejnevien

- La Grèce, se remettait de la dictature des colonels

- Le Portugal, du régime de Salazar

- Notre voisine, l’Espagne, (vacances pas chères etc…) du Franquisme

- L'Irlande du Nord était empêtrée dans un conflit religieux

 

Continuons par l’Asie :

- En Chine, c’était la fin de la Révolution Culturelle

- Une collection de régimes allant de l’autoritarisme à la dictature et des conflits armés (j’en ai certainement oublié quelques-uns) : Corée du Nord, Viet Nam, Cambodge, Birmanie, Sri Lanka, Pakistan, Iran, Iraq, Syrie…

 

La même chose s’applique à presque à toute l’Afrique, sans compter les conflits téléguidés de l’extérieur. Certains dictateurs pourraient en remontrer à l’ex-locataire de la Maison Blanche pour le grotesque : Jean-Bedel Bokassa se prenait pour Napoléon et avait reconstitué son couronnement en toute simplicité. Mais bon, les Africains étaient de grands enfants etc… Il serait plus rapide de nommer les pays où les choses se passent à peu près normalement : La Zambie, le Kenya, le Bénin, le Sénégal…

 

Même chose pour l’Amérique du Sud, les pays où les choses se passent « à peu près normalement » étant le Vénézuela et le Mexique…

 

Il paraît que la culture était mieux et la littérature populaire de bonne qualité. Alors, essayez de lire ou de relire: Guy de Cars, San Antonio, Delly ou Barbara Cartland! Quant aux romans de Paul-Loup Sulitzer, les Gilets Jaunes en feraient sans doute un autodafé. 

Quant à la littérature de l'Imaginaire, jusqu'aux années 80 on avait essentiellement quelques traductions de l'anglais de mauvaise qualité.  

 

 

Alors, c’était bien les années 70 ? Ben oui, le chômage était mini riquiqui, il y avait du fric, on n’attendait pas chez le docteur, on n’avait pas peur de l’avenir… Vous réalisez que ce n’était vrai que dans une toute petite partie du monde ? Vous voulez retourner dans une bulle, c'est ça ? 

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